I. Parcours d'une prostituée nigériane.



        La prostitution originaire du Nigeria débute dans les années 80, au moment ou le pays connaît une période difficile. À la base, des filles partent en Italie pour récolter des tomates. Là elles commencent à se prostituer, et s'aperçoivent qu'elles gagnent beaucoup plus, plus facilement. Le phénomène s'est répandu quand, en revenant, elles s'achètent des maisons, des voitures... Évidemment, d'autres ont voulu faire de même, les filles se sont entraidées, et une véritable organisation criminelle s'est mise en place. Ainsi, à ce jour, 90% des Nigérianes qui se prostituent en Europe proviennent de la région de Bénin-City, ou de la ville elle-même. Une des preuves de ce fléau est que pratiquement toutes les familles de Bénin-City ont au moins un membre se prostituant à l'étranger. Dans un premier temps, nous étudierons le parcours d'une victime d'un réseau de prostitution, puis celui des filles qui partent se prostituer volontairement.


I - Parcours d'une prostituée Nigériane   
LES PROSTITUEES ARNAQUEES

       
    A – En Afrique, Nigeria.
        1 – Les recruteurs et leurs promesses.

Les victimes des réseaux de prostitution sont pour la grande majorité contactées par des recruteurs aussi appelés « trolleys » membres de mafias internationales, engagés par des “mamans” ou « mamas », on les nomme aussi les « Mania Loa », qui signifie « prêtresse, maman ».
Ces mamas sont en fait d'anciennes prostituées qui ont fini de payer leur dette et qui travaillent à leur propre compte. Elles aussi originaires du Nigeria, souvent de la région de Bénin-City, et vivant à l'étranger depuis des années,  elles ont pris la nationalité du pays.
L'arnaqueur peut aussi être un membre de la famille, comme une tante (qui serait une mama), ou un cousin...
Les filles sont recrutées sur leur lieu de travail, sur les marchés, et même chez elle : les recruteurs font parfois partie du cercle de connaissances de la famille. Ils leur promettent un job de coiffeuse, couturière... En Europe, un travail qui permettra a la fille de rembourser sa dette rapidement. Si elle n'est pas convaincue, on lui fait écouter des témoignages de filles qui exposent leur nouvelle vie comme une seconde chance, avec des termes idylliques. On leur parle aussi de la possibilité de trouver un mari en Europe.
   
            2 – Le «juju», gardien des paroles.

Si les filles veulent partir elles doivent passer un contrat qui est scellé par un rituel faisant office de serment : le « juju », rituel de magie noire courant en Afrique de l'Ouest. Le serment est prêté avant le départ.
Devant un autel, on lui prélève des cheveux, rognures d'ongles, sous-vêtements, sang... ainsi qu'à un être cher, qui est souvent la mère ou une sœur.
Le rituel comprend de longues incantations, des chants...
La jeune fille doit prêter serment de payer sa dette et de ne révéler aucune identité ou information concernant le réseau : c'est là l'intérêt du rituel « juju » : la croyance veut que si les victimes ne respectent pas le contrat passé, le prêtre peut se servir des prélèvements pour faire abattre la maladie, la folie, voire la mort sur la victime ou sur sa famille.
Ce rituel ancestral permet donc aux trafiquants et surtout aux « mamas » d'avoir la main mise sur les jeunes filles qui respectent à la lettre le contrat, craignant d'éventuels sorts.
De plus, à cause de telles pratiques, la police a de plus en plus de mal à coincer les trafiquants et les réseaux : comme le stipule leur contrat, les filles ne disent pas un mot à propos de leur venue en Europe. Une véritable omerta est en place.

       B – Départ pour une nouvelle vie.
  1 – Le voyage et les conditions.

Tout d'abord, le pays de destination n'est pas toujours celui qui a été promis. Le voyage peut se faire par bateau, à pied ou en véhicule, ou par avion pour celles qui ont avancé de l'argent.
Certaines traversent le désert dans des véhicules pleins à craquer, d'autres voyagent à pied pendant des jours, souffrant de faim, soif, tempêtes de sable... Pendant les escales, elles subissent des violences diverses, à l'issue desquelles se trouve une grossesse, voire la mort. De petites embarcations surchargées permettent la traversée de la Méditerranée, où là aussi certaines périssent noyées. Une fois en Europe, les déplacements entre les pays se font en train.

            2 – Les faux papiers.

De faux papiers leurs sont confiés avant le départ ou pendant les escales, et sont confisqués à l'arrivée. Si on découvre à un moment ou à un autre que ce sont des faux, ils leurs sont retirés et les filles sont rapatriées au pays sur-le-champ.
       
        C – L'arrivée.
            1 – Descente aux enfers.

A l'arrivée, on reprend les faux papiers puis les filles sont confiées à leur « maman ».
Si les filles refusent de coopérer en découvrant ce qui les attend, on leur rappelle le serment prêté et on menace leur famille restée au pays. Si elles restent réticentes, elles sont battues, affamées, leur dette s'alourdit... Idem si elles tentent de s'enfuir ou si elles causent des problèmes dans le lieu d'habitation des filles.
A partir de là, leur prostitution commence et elles tombent dans une spirale infernale basée sur la drogue, leur dette, le serment «juju», les violences subies...
           
            2 – Films et violences.

Les filles sont souvent contraintes à tourner des films pornographiques (ou prendre des photos) comprenant des pratiques douloureuses voire dangereuses :
    ● Relations sexuelles non protégées avec des animaux (films zoophiles)
    ● Scènes de «fist-fucking» : introduction d'objets (fruits, légumes, bouteilles, poings et/ou pieds...) dans tous les orifices possibles. Le but est de montrer les organes dilatés à la limite de l'explosion.
Pour de telles pratiques les filles sont anesthésiées localement et/ou droguées, et parfois les plaies et déchirures doivent être recousues : un médecin vient alors. N'oublions pas non plus les risques de maladies encourus.
D'après des témoignages la demande de ces photos et films est très haute, il y a beaucoup de gros clients.

            3 – Tentative de réinsertion.

Les victimes mettent en général 2 ans à rembourser leur dette, ce qui les « libère » du réseau (mais pas du serment prêté). Certaines tentent une réinsertion dans le monde du travail hors des domaines du sexe, mais pour cela il faut des papiers, ce qu'elles n'ont pas. Ne sachant vers qui se tourner, elles retournent voir leur « mama » ou en deviennent elles-mêmes une.
Les filles ne peuvent retourner au pays car le retour est perçu comme un « échec personnel», et il peut être dangereux si elle n'ont pas fini de rembourser leur dette.



LES PROSTITUEES VOLONTAIRES
   
        A – La réussite de l'autre côté de la Méditerranée

Ce qu'on appelle les «Italos» au Nigeria sont des filles qui sont parties en Italie à la poursuite de réussite et d'argent. La clé de cette réussite est de se prostituer, puis de revenir au pays avec tout l'argent gagné (après avoir remboursé le passeur), et de parader avec des voitures, des maisons construites sur mesure...
Cette soif de succès vient d'un mythe que quelques filles ont créé en réussissant en Italie et qui a fait mouche. Depuis, beaucoup de jeunes filles essaient de faire de même, voire mieux.
En vérité celles qui arrivent à leurs fins ne sont qu'une minorité, la majorité finissant droguées, endettées, malades...

        B – La prostitution : une solution pour aider sa famille

Partir se prostituer à l'étranger n'est pas un sujet tabou ni une honte au Nigeria, au contraire, c'est le fait de revenir sans avoir fait fortune qui est une grande humiliation pour la jeune fille, qui peut se voir reniée de sa famille.
Parfois c'est la famille qui envoie la jeune fille se prostituer dans un autre pays, afin qu'elle fasse vivre les siens. Il n'empêche que les filles s'attendent parfois à être juste des domestiques.